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Les Français et l'alcool : Où en est-on ?

Prévention & Actions Sociales | Publié le 01 août 2024

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Si la France n’est pas le plus mauvais élève d’Europe, et si la consommation baisse un peu, elle reste néanmoins l’un des pays où l’on boit le plus avec 42,8 millions de consommateurs.

Surtout, l’alcool est la première cause d’hospitalisation en France et la deuxième cause de mortalité évitable, après le tabac. On peut donc s’étonner que les politiques de santé publique ne s’attaquent pas davantage à ce problème. La faute aux lobbys ? aux us et coutumes ?

En France, il faut s’armer pour ne pas boire... Tout est prétexte pour faire lever le coude : verres de l’amitié, fêtes de fin d’année, pots de départ, apéros, déjeuners. Mais la consommation est loin de se limiter à ces moments de convivialité.

Le vin s’invite à la table au quotidien si bien que le volume global d’alcool pur absorbé chaque année par habitant place la France parmi les pays les plus consommateurs dans le monde et au 6e rang des pays de l’OCDE. Notre culture de pays producteur y est sans doute pour quelque chose (près un Français sur deux, – 49 % – pense qu’offrir de l’alcool ou en boire « fait partie des règles du savoir-vivre»).

Ce secteur des boissons alcoolisées qui représente quelque 800 000 emplois et 15,5 milliards d’euros d’exportations semble l’emporter sur les 49000 morts par an et sur un coût social estimé à 118 milliards d’euros selon l’Inserm. Ces chiffres en font un enjeu de santé majeur et une dépense de santé publique colossale, qui dégrise.

Des conséquences désastreuses...

La consommation d’alcool est responsable directement ou indirectement de plus d’une soixantaine de maladies: cancers, maladies cardiovasculaires, digestives, mentales...

Elle est la première cause d’hospitalisation et la deuxième cause de mortalité évitable en France après le tabac, soit un décès sur 10 (11 %) chez les hommes et 4 % pour les femmes.

Ces dix dernières années, l’alcool a été responsable de 40 % des décès de maladies digestives chez les hommes et de 16 % chez les femmes. Ce sont aussi des années de vie perdues puisque l’âge moyen des personnes décédées prématurément à cause de l’alcool ne dépasse pas 66 ans.

Ce sont des années de vie gâchées pour ces personnes, mais aussi :

  • pour les fœtus qui ont été exposés car l’alcoolisation fœtale est la 1re cause de handicap non génétique ;
  • pour les familles qui subissent les comportements du membre qui boit.
  • Parce que, entre les tournées au bar et l’endettement lié au jeu, addiction souvent corollaire, l’alcool est un facteur d’appauvrissement.
  • Parce que, comme il engendre de la désinhibition, il génère de la violence dont sont victimes conjoints et enfants.
  • Parce qu’il est responsable de 30 % des accidents sur la route.

« Tu t’es vu quand tu as bu ? » interrogeait une première campagne de sensibilisation dans les années 1990, qui ne mettait pas le doigt sur le pire, mais au moins écornait l’image de l’ivresse festive et bon enfant, telle qu’elle est représentée dans Un singe en hiver (1962) : Belmondo et Gabin y sont ivres morts sans jamais perdre leur panache.

... des représentations favorables qui perdurent

Car boire, c’est un truc de bonhomme : il y a en tout cas une tradition viriliste qui sous-entend que les hommes doivent savoir « bien tenir l’alcool », comprendre « savoir boire beaucoup». Les cowboys et les voyous ne tournent pas à la verveine menthe !

 Le cinéma a beaucoup véhiculé ces stéréotypes. L’excès d’alcool fait d’ailleurs toujours partie des rites initiatiques, pour le passage à l’âge adulte, pour les bizutages en entrant dans certaines écoles, pour intégrer un groupe d’amis (une personne sur trois déclare boire pour ce motif), pour enterrer sa vie de garçon.

Parallèlement, le marketing s’est aussi assuré d’une consommation chez les femmes. On se rappelle comment l’industrie du tabac a réussi à faire fumer les femmes en faisant poser les suffragettes une cigarette à la main. Il en a été de même avec l’alcool, cette fois en jouant non pas sur l’émancipation mais en associant certains alcools au luxe.

Les publicités pour les grandes maisons de champagne – avant la tardive loi Évin – ont “glamourisé” la consommation de bulles. Les grands verres de chardonnay que se servent sans vergogne les héroïnes des séries américaines des années 1980 et 1990 ont aussi contribué à banaliser la consommation pour les femmes.

En dépit de ses dangers, l’alcool continue ainsi de bénéficier de représentations favorables dans la société occidentale.

Le mythe du vin, “alcool à part”

20 % des Français pensent que l’alcool est bon pour la santé. C’est fou, mais on trinque à notre “santé”!

Les idées fausses ont la vie dure, alimentées par des études sur les supposés bienfaits du vin, largement reprises dans la presse: on a prêté au vin rouge – notamment aux polyphénols qu’il contient – des vertus antioxydantes, cardioprotectrices, des gages de longévité. C’est ce qui a été appelé outre-Manche le French paradox.

En réalité, une moindre prévalence des maladies cardiovasculaires en France est liée à un régime alimentaire plus riche en légumes, en produits laitiers, en poissons et à des portions plus petites qu’aux États-Unis, par exemple.

Le vin est un alcool comme les autres. On a tort de se penser à l’abri des dangers de l’alcool en disant « je ne bois jamais d’alcools forts ».

Un verre de vin ou de champagne de 10 cl contient autant d’alcool qu’un verre de porto de 6 cl, qu’un demi de bière de 25 cl qu’un verre de whisky de 3 cl.

L’ancienne ministre de la Santé, Agnès Buzin, a accusé l’industrie de “laisser croire” que le vin était différent: «On a laissé penser à la population française que le vin serait protecteur, qu’il apporterait des bienfaits que n’apporteraient pas les autres alcools. C’est faux. » . Une sortie pour le moins inhabituelle tant les politiques (qui ne rechignent pas à poser un verre à la main) sont conciliants avec le monde viticole.

Deux campagnes de prévention autour des risques ont même été retoquées, dont une qui devait être diffusée pendant la Coupe du monde rugby et qui montrait un coach de supporters les invitant à éviter les abus. Le “Dry January®” (ou “janvier sobre”) n’est, quant à lui, toujours pas promu par les autorités de santé.

 

L’ALCOOL À L’ORIGINE DE NOMBREUX CANCERS

Cela fait 36 ans que l’alcool a été classé cancérigène pour l’homme par le Centre international de recherche sur le cancer (CIRC). L’alcool représente en effet la deuxième cause évitable de mortalité par cancer. Il est responsable chaque année de 28 000 nouveaux cas. Les cancers le plus souvent attribuables à l’alcool sont les cancers de l’œsophage (57,7 % des cas), mais aussi du foie, de la bouche, de la gorge, le cancer colorectal ou encore le cancer du sein.
Au total, environ 8 % de tous les nouveaux cas de cancer sont liés à l’alcool, même dans le cas d’une consommation faible à modérée.
L’Inserm mentionne une étude britannique, la Million Women Study, menée sur plus de 28 000 femmes atteintes d’un cancer du sein, et qui suggère que chaque dose de 10 g d’alcool (soit un verre) consommée par jour est associée à une augmentation de 12 % du risque de cancer du sein (12 % dès le premier verre, 24 % au deuxième).

 

Des campagnes centrées sur les risques immédiats

Les campagnes de prévention qui voient le jour sont régulièrement pointées du doigt parce qu’elles ne condamnent pas la consommation d’alcool.

Dernière en date, la campagne «C’est la base», diffusée à l’automne 2023, consiste en une série de conseils :

  • « penser à manger avant de boire de l’alcool »,
  • « inviter ton pote à dormir chez toi s’il n’est plus en état »,
  • « appeler direct les secours si ton pote est en bad » ,
  • « boire aussi de l’eau si on consomme de l’alcool ».

Qualifiée d’insipide et de ringarde par les uns, accusée de banaliser les beuveries étudiantes par les autres, cette campagne adressée aux jeunes de 17 à 25 ans se focalise sur les risques immédiats de la consommation. Elle acte la réalité de l’alcoolisation des soirées ; elle n’exhorte pas à la sobriété.

C’est que la littérature scientifique, les experts et acteurs de la prévention en contact avec les jeunes s’accordent à dire que les messages répétant qu’il ne faut pas boire sont inefficaces.

La dernière campagne vise donc plutôt un objectif de réduction des risques atteignable plutôt qu’une irréaliste suppression complète des risques. L’addictologue Gilles Lowenstein, président de SOS Addictions, rappelle que, face à l’épidémie de sida, le discours de prévention a eu du mal à s’imposer (« si vous vous shootez, alors ne partagez pas votre seringue ») mais a fait ses preuves. Le même principe doit être appliqué selon le spécialiste pour l’alcool.

 

Boire, avec modération

« L’idéal d’une société sans alcool ni drogue n’existe pas », constate Gilles Lowenstein. «La réduction des risques, c’est avant tout accepter notre imperfection. Sauvons des vies, oui, mais pas toute l’humanité, hélas. »

Aussi inviter à la modération, rappeler qu’il faut faire des pauses – ne pas boire tous les jours – est plus réaliste et efficace. Le directeur de Santé Publique France, François Bourbillon, explique que l’objectif est « de permettre aux Français de faire le choix éclairé d’une consommation à moindre risque pour leur santé. Sans nier la dimension “plaisir” qui peut être associée à la consommation d’alcool, cela nécessite de faire connaître les risques associés à l’alcool, de diffuser auprès de tous les nouveaux repères de consommation et d’inviter les Français à réfléchir sur leur consommation ». C’est sans doute la dimension “plaisir” en effet qui pousse les Français à minorer les risques. Le professeur d’addictologie et de psychiatrie Michel Reynaud résume ainsi le dilemme: «L’alcool est dangereux pour la santé mais cela ne veut pas dire que ce n’est pas agréable, que cela ne fait pas partie du patrimoine français. »

Pour autant, il faut « être informé que, lorsque l’on va au-delà de 10 verres par semaine, on augmente un peu son risque. Et lorsque l’on est bien audelà, on augmente considérablement son risque».

 

ET NOS VOISINS EUROPÉENS ?

L’Union Européenne (UE) se classe parmi les régions du monde où l’on consomme le plus car pas un seul pays de la zone n’a une consommation annuelle par habitant inférieure à cinq litres d’alcool pur. Seuls cinq pays sont en dessous d’une consommation annuelle de 10 litres par habitant : l’Italie (8,0 l), Malte (8,3 l), la Croatie (8,7 l), la Suède (9,0 l) et les Pays-Bas (9,7 l).

Les seniors européens boivent plus que les jeunes

Les données montrent qu’à mesure que les gens vieillissent, leur consommation quotidienne d’alcool augmente. Les 15 à 24 ans ne représentent qu’1 % des buveurs quotidiens, tandis que les plus de 75 ans sont davantage susceptibles de boire un verre tous les jours (16 %). Cependant, le groupe des personnes âgées compte aussi la plus grande proportion de personnes ne con - sommant pas du tout d’alcool ou n’en ayant pas consommé au cours des 12 derniers mois (40,3 %).

Disparités Nord/Sud

Dans l’UE, au Portugal, un cinquième (20,7 %) de la population consomme de l’alcool quotidiennement, suivi par l’Espagne (13,0 %) et l’Italie (12,1 %). La proportion la plus faible de buveurs quotidiens est recensée en Lettonie et en Lituanie (1 %). Les pays de l’UE avec la plus grande part de sa population buvant de l’alcool chaque semaine sont les Pays-Bas (47,3 %), le Luxembourg (43,1 %) et la Belgique (40,8 %). La Croatie a la part la plus élevée de la population (38,3 %) déclarant n’avoir jamais consommé d’alcool ou n’en avoir pas consommé au cours des 12 derniers mois.

Les Italiennes sont les plus sobres

C’est en Italie que les femmes sont les plus sobres avec 46,7 % qui déclarent ne jamais consommer d’alcool ou n’en avoir pas consommé au cours des 12 derniers mois (contre 21,5 % des hommes). À Chypre, ce chiffre est de 44,2 % chez les femmes contre 12,8 % chez les hommes, et en Bulgarie de 42,0 % chez les femmes contre 16,2 % chez les hommes.

 


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